QUAND ON SE CONNAÎT A PEINE...
Quand
on se connaît à peine, on croit néanmoins "bien" se connaître. Une
sorte d'image figée photographie l'autre à la fois tel que nous le
souhaitons et tel qu'il n'est pas. Ni l'un ni l'autre n'est
responsable. Chacun apporte son passé, son histoire, sa famille;
c'est fou ce que l'on trimballe derrière soi! Des petites choses et de
vrais chagrins, des attentes déçues et des espoirs inconsidérés. Qui
laissent des cicatrices, forment ou déforment...
Quand
au fil des jours, on se connaît "mieux", un malaise sourd
s'installe. Comme on effeuille une rose, on effeuille une
personnalité: "Je me demande s'il n'est pas un peu radin"; "Je ne
soupçonnais pas qu'il pouvait bouder"; "Je n'aime pas son rire";
"Il veut toujours avoir raison"; "Il n'écoute pas ce que je dis";
"Il râle..."; "Il est tellement sûr de lui"; "Il est macho".
Alors? L'accepter tel quel? Difficile! S'expliquer ?
Ce serait l'idéal si on trouvait d'emblée la manière. Mais
souvent, dans le désarroi, on dit ce qu'il ne faudrait pas et à son
tour il attaque. Car lui aussi a perçu nos faiblesses, nos hésitations
ou nos affirmations. Lui aussi sait ce qui lui déplaît et dans
l'indignation d'être jugé il lance à boulets rouges les remarques qui
font mal.
Et
il reste deux pauvres êtres humains qui s'aiment mais ne savent pas
"s'emboîter" comme les pièces d'un puzzle. Les mots peuvent faire très
mal, même et surtout s'ils dépassent ce qu'ils veulent dire. La mémoire
les enregistre, le coeur en souffre. Solution: la rupture? Ce serait
aller trop loin et trop vite.
Il reste la parole. Celle qui a fait tant de mal peut
aussi faire tant de bien! Que le plus aimant ou le plus adroit
commence. Car "se parler" n'est pas se jeter à la tête les griefs
ressentis. C'est commencer, loyalement, par reconnaîtrre ses
propres torts. Voilà qui apaise déjà très fort l'autre, étonné
puis attentif et peut-être, bientôt, compréhensif.
Le dialogue peut déboucher sur une meilleure connaissance de cet
être imparfait tout comme nous, dont chacun peut accepter avec
indulgence les "petits" défauts qui irritent. Nous ne parlons pas ici
évidemment des pulsions de rage, des coups assénés, d'un goût prononcé
pour une sexualité hors norme, de tout le fatras de défauts majeur et
inacceptables.
Quand on se connaît à peine, on peut apprendre à se connaître
vraiment. S'accepter et l'accepter devient alors le commencemnt du
bonheur.
INCARNAT