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ECLATS DE PAROLES
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ECLATS DE PAROLES
23 août 2006

A MON PERE

    La consigne de l’Atelier d’écriture : une illustration montrant un homme assis dans un divan, et à côté de lui, une adolescente posant une main sur son épaule.  Nous devions improviser ce que le portrait évoquait pour nous
                                               X                     X

    Je n’ai pas pu te poser de questions, celles de toute adolescente à son père.  Je n’ai 2roses_rosespas pu t’entourer de mes bras, ni même poser ma main sur ton épaule Je n’ai pas pu t’aimer vraiment. T’ai-je inventé ? Non. Tu étais là.  Si peu de temps ! Assez pour que je connaisse ton visage et ton sourire et aussi le silence qu’on m’imposait pour ne pas troubler ton sommeil.

    Je n’ai su de toi qu’une douceur diffuse, des absences aseptisées, des retours épuisés, le lit, le cimetière…

  Mes frères et sœur t’appelaient « Père ».  Ils étaient des jeunes gens de vingt ans, ils t’adoraient. Moi, je disais « Papa » et tu mettais sur mes cheveux une main de tendresse.

  Je ne sais rien de toi, à part ce que les autres m’ont dit. Grandir sans père oblige à devenir forte, pour cette maman écrasée que plus rien n’intéressait. Grandir sans père oblige à se créer un monde imaginaire, un peu exclu, où l’on bâtit des château de sable, puisqu’on est étrangère au milieu familial qui se préoccupe surtout, essentiellement, de la veuve. C’est être condamnée à ne pas poser de questions et à chercher seule les réponses.

  Longtemps, dans la poche de mon manteau d’écolière, j’ai serré dans mon poing la petite poupée que tu m’avais donnée. C’était ma façon aveugle de t’aimer. Personne n’en a rien su.

  Et quand maman en pleurs devant mon mutisme de fillette me reprochait : « Tu n’aimes pas ta maman », je ne répondais rien. Elle souffrait dans la démesure.  Je souffrais dans l’ignorance.

  Je ne t’ai pas idéalisé. J’ai cherché sur tes photos quel homme tu étais. Je t’ai trouvé bon, courageux, une lueur au fond des yeux. J’en ai créé ton image.

    Et mon souvenir…

LORRAINE

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Commentaires
L
Charlotte, le rêve éveille des souvenirs suscités, dit-on, par les faits et émotions de la journée. Sans doute la lecture a-t-elle touché un point sensible. Nous portons en nous les êtres aimés mais nous ne le savons pas toujours.<br /> <br /> Lorraine
L
Je crois, Alceste, que cette situation de déséquilibre m'a, d'une certaine façon, rapprochée de maman; je sentais bien qu'elle était habitée par un désespoir si profond qu'elle me disait "Si je suis restée en vie, c'est pour toi"...Là encore, je ne pouvais rien répondre. Mais quand nous lisions toutes les deux le soir ou le dimanche après-midi, je nous sentais proches, même sans paroles, surtout sans paroles! Et quand nous allions ensemble au cimetière et qu'elle pleurait agenouillée au bord de la tombe, j'allais chercher de l'eau pour arroser les fleurs et je lui prenais la main.<br /> Je ne sais pas pourquoi je raconte tout cela, c'est comme un flot qui se libère. Il y a pourtant tant et tant d'années!<br /> Merci, Alceste,<br /> Lorraine
L
La peur d'être grondée, Annie, peut sans doute marquer un enfant. Maman me grondait parfois mais je n'ai pas le souvenir de l'avoir crainte. Peut-être un jour pourras-tu exprimer ce que tu ressens. C'est une des vertus de l'Atelier d'Ecriture de nous mener, quasi sans y penser, à exprimer des sentiments qui dorment au fond de nous. <br /> <br /> La mort prématurée de Papa m'a mûrie tôt; j'ai tellement vu évoluer le monde autour de moi et pleurer maman! Et je me suis mise à écrire...
C
Quel beau texte Lorraine.Il m'émeut.<br /> Cette nuit, j'ai rêvé de mon père!Ce n'est pas par hazard! J'avais lu ton texte.<br /> Il est mort le 20 juillet 82.
A
cette absence c'est quelque chose de difficle à conceptualiser quand on a ses deux parents .<br /> Ce manque tu le decris avec une intensité pudique , et cette mise en parallèle avec le retranchement affectif vis à vis de ta mère , crée une relation , tripartite avec une présence pregnante malgré l'absence réelle et douloureuse . C'est biensur, une souffrance , mais je ne peux m'empecher , d'imaginer , une pièce à l'ambiance Tchekov . On perçoit les silences habités , les soupirs , une vie tendue avec cette amputation dans le coeur , qu'on ne peut combler . Ton texte qui hélas si je comprend bien est ancré dans la réalité est plein d'une puissante émotivité . On ne peut pas consoler quelqu'un qui a vecu ça . C'est impossible .Mais peut être de pouvoir en parler est ce une délivrance ?<br /> Amicalement .
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