LES CASSE-PIEDS...ET LES FORTS
Ils sont nés vétilleux, peureux, faibles ou égoïstes, mais par-dessus tout, inconscients. Ils vont dans la vie
nantis d’appréhensions qu’ils veulent à tout prix partager. Pas avec
n’importe qui. Le timoré ne les intéresse pas, il leur ressemble trop ;
l’anxieux non plus et pas davantage le raté. Ils se choisissent
l’homme ou la femme actifs, efficaces en amitié comme dans les
affaires, capables en plus de se charger des petites courses, des
petits coups de mains et des petites attentions aux autres.
TEL QU’IL EST…
Le casse-pied est friand d’un confident de cet acabit. Alors il lui conte au téléphone par le
menu comment son fils veut, pour la troisième fois à 21 ans, vivre sa
vie. Ne se rencontreraient-ils pas pour en parler ? J’ai
bien dit « En parler » ; car le casse-pied bavard, explicatif, écoutera
avec intérêt les avis reçus – dès l’instant qu’on parle de lui tout est
bien – mais ne passera jamais aux actes. Il se gorge de la sève des
autres. Il se nourrit d’un rayonnement qu’il n’a pas et repart,
ragaillardi, comme un vampire ayant sucé le sang de ses victimes.
L’idée ne l’effleure jamais qu’il grignote la résistance
d’autrui ; il ne s’en inquiète guère, il ne soupçonne même pas que le
fort connaît de vertigineux moments de faiblesse mais les vit seul,
pour mieux les surmonter. En parlerait-il ? On s’en étonnerait,
vaguement offusqué, comme d’un manque de goût. Comment, il a
l’air si résistant, et voilà qu’il craque ? N’est-ce pas un peu
choquant ?...
SAVOIR DIRE NON…
On me démontrera que le casse-pied est conditionné pour l’être,
que rien n’en fera jamais un fonceur et que le fonceur le séduit parce
que, précisément, il possède l’efficacité dont lui, le casse-pied, est
pour toujours dépourvu. Il s’y réchauffe ; Il s’y réconforte.
Ces intrus font partie de la vie quotidienne, certes. Mais qu’un
jour l’homme solide, la femme énergique aient une défaillance de santé
ou des ennuis familiaux sérieux, plus de casse-pieds. En vain, les
forts espéreront d’eux une marque d’amitié ou d’entraide. Les
casse-pieds disparaissent comme une fumée, attendant des temps
meilleurs. Ils reviendront quand l’épreuve sera passée, quand ils
pourront reprendre leur parlotte, énoncer leurs petits soucis,
retrouver l’oreille attentive et la parole encourageante.
Moi, je dis non aux casse-pieds. Un manque d’altruisme ?
Je ne crois pas. Plutôt une façon de se sauver soi-même et de les
amener - qui sait ? – à se poser quelques utiles questions.
INCARNAT