LE VASE
J’ai là, sur un coin du bahut, un vieux vase rustique étoilé de couleurs. J’aime, sous l’abat-jour, son profil rebondi et l’éclat discret de son émail bistré, lorsqu’aux soirs de printemps je m’attarde à la rêverie.
Cette antique poterie, je n’ai pas besoin de fermer les yeux pour évoquer celui qui m’en fit don. Il était timide comme un collégien. Pourtant, nous avions vécu une enfance commune, main dans la main, nous polissonnions au retour de l’école ; nous chantions dans le même chœur aux distributions des prix ; ensemble nous eûmes seize ans ; ensemble nous dansâmes notre premier bal.
Et puis surgit l’inconnu aux cheveux noirs. Je dédaignai aussitôt les boucles blondes de l’ami d’enfance.
Le jour de mon mariage, il me mit dans les bras le vase chargé de corolles.
- Puisque tu aimes les fleurs, murmura-t-il.
Je ne l’ai plus jamais revu.
J’ai là, sur un coin du bahut, un vieux vase rustique étoilé de couleurs...
LORRAINE