ROSINE ET L'ANGE
J’ai
quatre ans, je suis une grande, maman l’a dit. C’est de nouveau Mademoiselle
Raymonde l’institutrice, elle me demande :
-Bonjour,
Rosine, tu es contente de rentrer ?
Oui, je suis contente, je suis déjà venue
quand j’étais petite. Là, j’avais peur, mais maintenant non. J’ai ma place
juste devant le bureau, mon petit banc est ciré et sent bon. Armand s’assied à
côté de moi, on se connaît, son papa me pince la joue quand il me voit, mais je
n’ose pas dire que ça fait un peu mal. Il rit, il parle fort, mais il est
gentil.
Il
y a plein de nouveaux, des qui pleurent, et des qui se collent à leur maman.
Moi, j’ai pas pleuré. Je suis une grande.
Melle
Raymonde tape dans ses mains. « Un peu de silence ,on va
chanter ». C’est difficile de chanter parce que Laurette crie tout haut
« Maman, maman ! Où elle est, maman ? ». On chante quand même. On entend moins
Laurette quand on crie « « il faisait du vélo Pipo quand il était
militaire, il faisait du vélo Pipo quand il était matelot »... J’aime bien
cette chanson. Melle Raymonde claque encore une fois dans ses mains :
« On
va faire la prière ». Moi je sais. Je reconnais ma main droite. Mais
Armand lève sa main gauche et d’autres aussi. Melle Raymonde tourne le dos à
tout le monde et lève la main droite : « Faites tous comme moi »
et tout le monde sait d’un coup comment faire. C’est drôle.
-
Vous aussi, mes enfants, vous avez un ange gardien. Il est près de vous tout le
temps, mais vous ne le voyez pas.
Je
ne le vois pas ; mais puisqu’il est là, je lui fais une toute petite place
sur le banc, entre Armand et moi. Armand s’assied dessus. Alors je le pousse
très fort : « Recule, tu es sur l’ange ». Et maintenant Armand
est par terre... Je ne sais pas comment ça se fait...
LORRAINE