SUZY : LES FABLES
(Il y a cinquante ans, les chambres d'enfants étaient tapissées de dessins divers. En voici le souvenir)
* * *
Tandis que sur les murs de ta chambre tu apprends les
fables à ta façon, je songe à la consternation du bon La Fontaine s’il
t’entendait :
- Et le lapin il court après la
tortue pour lui prendre son chapeau. Pourquoi lui, il a pas de chapeau,
dis, maman ?
- Parce qu’il a de trop longues oreilles.
Le dessinateur facétieux a aussi paré la tapisserie d’un loup
revêtu d’un tablier à bavolets et le mouton porte culotte. Tout ceci te
réjouit fort, petite Suzy, mais tu t’attendris devant la fillette qui a
cassé son pot au lait. Tu voudrait bien savoir pourquoi le lion est
coiffé d’une couronne et quelle chanson chante la cigale.
Nous n’aimons pas beaucoup la fourmi, elle a mauvaise mine.
- C’est une petite Madame triste, dis-tu.
Et nous qui te connaissons bien, nous savons déjà qu’il te pousse des ailes de cigale, gaies et insouciantes.
Sous l’arbre du corbeau, le renard semble un troubadour. Sa
jaquette mordorée, son feutre à plumes te plaisent et tu en veux à
l’oiseau gourmand qui clôt un bec obstiné sur un superbe fromage.
Je ne suis pas très sûre que tu sauras jamais tes fables d’une
manière classique, mais le monde imaginaire est le tien et tu y puises
une précoce philosophie !
GARANCE