Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ECLATS DE PAROLES
Publicité
ECLATS DE PAROLES
Derniers commentaires
Archives
ECLATS DE PAROLES
5 janvier 2008

L'EGARE...

    (La consigne nous proposait d’imaginer qu’une partie de notre corps prend son indépendance et nous échappe. D’où ce récit…un peu indiscret il est vrai!)


X

    D’habitude je les porte haut, bien droits, un peu voyants même, mais aimables, accueillants, le sourire aux lèvres.  Ils se connaissent depuis toujours et parfois se racontent des secrets d’alcôve que je fais semblant de ne pas entendre.  Je suis bonne fille.

    Leur coquetterie les pousse à se parer plus que de raison.  Les dentelles, les tulles, les mauves tendres, les rouges arrogants, les galbes moulés, les balconnets profonds, tout, ils se permettent tout.  Je laisse faire.  Si ça leur plaît!

    Je les connais tellement bien que je les habille machinalement.  Toujours le même geste distrait, les bretelles qu’on enfile, les agrafes agaçantes, je prends le gauche pour bien le caler,  le droit et hop, c’est parti pour la journée.

    Et ce matin encore… Ce matin ? J’ai sorti du bleu lavande assorti au string, j’enfile la bretelle gauche, parfait, la bretelle droite… Qu’est-ce que c’est ? Où est-il ? J’ai la berlue ou quoi ? Je tâtonne, je parcours, je masse, je pince, je hurle :  mon sein droit a disparu !  A la place, c’est la plaine, lisse, douce,  sans la moindre aspérité, innocente pour tout dire.

    J’ai l’air d’une baudruche mal gonflée.  Le gauche pérore, pointe le nez, fait son folichon.  Mais à côté, la dentelle pendouille comme un drapeau mouillé.

    Va-t-il repousser ? Vais-je aller chez le gynécologue qui les auscultait toujours d’un air approbateur ? Il sera déçu, c’est sûr.  Mais lui seul peut me conseiller.  Il connaît peut-être un traitement performant pour les seins qui font la malle ?  Il sait peut-être comment, d’une série de pressions bien appliquées, faire réapparaître le téton, le bulbe, l’arrondi, le modelé, le sein migrateur ?  Peut-être faudra-t-il plusieurs séances mais je suis prête à m’y soumettre.  C’est un bel homme.

    Non,  impossible que ce soit irrémédiable.  Hier encore, il était là, dans le décolleté  printanier qui aide en ce moment tous les hommes à compter jusqu’à deux.  Il pigeonnait avec son compère.  Il n’avait l’air de rien.  Il ne préparait aucun coup bas.

    Il va falloir que je parle à Gaston.  Il voudra voir.  Il ne me croira pas sur parole.  Or, jusqu’ici je ne lui avais jamais dévoilé mes appâts. Je le faisais languir. J’attendais le moment.  Mais est-ce le moment ?  Un seul sein !  Il me prendra pour une Amazone revenue de l’Antiquité.

    Allons, courage ! Et si ça ne va pas chez le gynéco, j’irai chez le psychologue.  Ca l’intéressera.

LORRAINE
manetOlympia_jpeg

Illustration: "Olympia" tableau de Manet 1883 (Musée d'Orsay)

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Faut-il te dire, Obs, que je me suis coquinement amusée?...Merci pour ton approbation..
L
L'écriture a plusieurs faces, tu vois, Lecouret! Ici, j'ai glissé sur une pente espiègle...L'occasion était tellement belle!
O
Coquine, tragiquement, poète, surréaliste à ses heures... Il y en a pour tous les goûts. Bravo !
L
voilà une autre facette de ton style et de ton inspiration, un régal...<br /> un régal d'écriture, enjouée, tonique, mutine,<br /> bravo.<br /> je suis content, ah que oui, d'avoir l'avantage de te lire :-)
Publicité