SAVOIR SE TAIRE...
Je ne dis à personne que je suis triste. Je garde pour moi mes interrogations. Je suis comme Janus, j'ai deux visages mais je ne dévoile que celui qui sourit. Non par une hypocrite volonté de plaire, uniquement plaire; mais parce que je n'aime pas alourdir de mon fardeau celui des autres.
Et aussi par lucidité. Qu'on le veuille ou non, s'épancher nécessite un accueil, une réponse. Si ceux qui m'aiment risquent de s'inquiéter, j'embarrasserais les autres par mes confidences ou mon mal-être. Ou alors, j'ouvrirais leurs portes à eux, et aussitôt oubliant mon discret moment de lassitude, ils parleraient du leur, amplement, abondamment. Parce que les gens n'aiment rien tant que parler d'eux-mêmes. Très peu savent écouter. D'habitude, ils renchérissent, argumentent et perdent de vue que, peut-être, j'avais besoin d'un bref réconfort.
Oui, je suis celle qui écoute, non celle qui se livre. J'ai appris très tôt à taire mes difficultés; j'ai compris très tôt aussi que charger les autres de ses problèmes ne les résout pas, loin s'en faut. Et quand j'écoute avec empathie les ennuis ou les souffrances, mon silence attentif permet quelquefois de libérer un chagrin et d'aider à le guérir.
Et quand vraiment je me sens lasse, j'ouvre ce blog comme on ouvre un journal, et je parle...
LORRAINE
Illustration: Chagrin -rolande-delanoue-langlois.entréedesartistes