LE CIEL DEVANT SOI...
(Cette consigne sur le thème "Il part..." m'a entraînée...loin!)
X
Il part. Où ? Le sait-il vraiment ? Non, mais il s’en moque. Partir, c’est vivre. Et cela seul importe. Dès cet instant, il est autre. La porte va s’ouvrir, la liberté est au bout du chemin et le chemin s’envole vers l’inconnu.
Les feuilles mortes tapissent le sol. Nous sommes en octobre, la lumière a mis sa dorure de soleil, douce, atténuée, voilée de légers nuages. Il marche. Un crissement ponctue ses pas. Le bonheur commence dans ce son qu’il n’attendait pas et qui va le mener, de rues en ruelles, d’avenues en esplanades, là où il doit arriver.
Mourir n’est pas pour demain. Jamais autant qu’aujourd’hui il n’avait repoussé l’échéance. « Je suis immortel », pense-t-il en une bouffée de joie. Il n’a pris qu’un léger sac et se sent non pas appesanti mais porté par l’exaltation. « Meurt qui veut », se dit-il. « Et j’ai le ciel devant moi et j’aurai la mer si je veux, la forêt, l’étendue des plaines et des toundras ».
Le pastis à l’arrivée de l’étape lui réchauffera la langue. Il parlera de ce qu’il voudra et si on ne l’écoute pas, quelle importance ! Ne parle-t-on pas pour soi-même, en fin de compte ? N’a-t-on pas envie d’entendre prononcer des mots qui cogitent au fond du cœur et hésitent à franchir les lèvres ? Déjà, l’heure passe. Sa maison est derrière lui. Il n’a plus de maison, rien que la terre pour y vivre, rien que le monde à parcourir. L’éblouissement du bleu illumine sa marche : le bleu du firmament, le bleu de ses yeux, le bleu de son rêve.
LE CADEAU DE LA VIE
Il a connu l’inondation des fleuves qui débordent, des ruisseaux gonflés, des plages envahies. Il a connu aussi l’inondation du rêve qui embrase les sens et l’âme. Il la ressent dans sa marche cadencée, il déborde de gratitude, il sait que l’épanouissement le possède, il ne craint ni aujourd’hui ni demain. La vie appartient à ceux qui marchent, dit-il. Ceux qui, ayant marché, font une pause et, soudain, une rencontre. Un petit chat sur la margelle du puits, la paysanne lente conduisant les brebis à la prairie, la jeune fille au visage nu seulement orné d’un sourire, tous ces cadeaux qu’il n’avait jamais vus, les regardant distraitement, sans savoir qu’ils étaient des cadeaux.
L’horizon le happe. Un horizon dont il ne connaît rien, si ce n’est un pressentiment de bonheur. Là-bas, il trouvera ce qu’il n’a pas cherché, et l’ayant trouvé saura qu’il lui était indispensable. Il y entend une musique, intérieure et douce, il y voit un astre pâle comme la lune, mais sans ombre. Le rocher qui s’érige ressemble au seuil d’un univers étrange. Hé bien, s’il faut escalader le rocher, il le fera. Car tout est à lui désormais, la liberté d’être ou de n’être pas, de rire ou de se taire. Un invisible don l’anime. Il n’a pas peur, rien ne le hante, la paix est descendue en lui et rien ne pourra la chasser.
Il est parti un jour, poussé par un instinct dont il ignore le nom. Arrivera-t-il un jour ? Et comment saura-t-il qu’il a atteint le point extrème ? Qu’importe ! Le voyageur sans bagage est en chacun de nous. Et un jour, nous arriverons à l’étape définitive.
LORRAINE
Illustration:champ de lavande.www.as-tu-vu.com