UN COUPLE
(Nous
devions commencer obligatoirement la consigne par ces mots: “Nous étions dans
le salon jaune...” et continuer selon notre inspiration. Voici le résultat)
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“François!”..
Son
sourcil étonné m’a arrêtée un instant. Il me regardait de cet air un peu
impérial copié involontairement, je crois, d’Alain Delon dans ses meilleurs
jours. Juste assez pour que je me
sente lâche, une fois encore. Mais non. J’ai décidé de lui dire, je ne
faiblirai pas:
-
François...Je vais te quitter...
Je l’ai dit tout à trac, pour me débarrasser d’une émotion sinueuse qui me serrait la gorge et risquait de me priver d’arguments. Il a rejeté “Le Journal”:
- Quoi?
Cette
fois, il me regardait, cette fois il m’écoutait. Juste assez pour reprendre son
sang-froid:
- Qu’est-ce
que c’est ? une plaisanterie?
-
La vérité. Tu ne m’aimes plus et moi, je ne t’aime plus.
Ses
yeux bleus brillaient d’intérêt. Tout à coup, j’étais quelqu’un d’autre. Il lui
fallut une seconde pour réaliser:
-
Tu ne m’aimes plus?
Non,
il n’en suffoquait pas, mais je sentais bien qu’il était discrètement vexé. Sans
doute ne s’était-il jamais remis en question.
Je
retrouvais peu à peu mon assurance. Devant lui, j’ai toujours été celle qui
accepte, comprend...et pardonne.
J’ai
pardonné sa nonchalance, sa façon d’oublier où ranger sa cravate et ses
foulards, ses cigarettes et ses clefs de voiture. J’ai pardonné le désordre
mais aussi l’égoïsme, le foot tous les mercredis soirs, le Tour de France,
Roland Garros et les autres. J’ai pardonné son silence du matin quand il se lève et du soir quand il
rentre, le whyski lisant le courrier, le tour dans la cuisine pour soulever
le couvercle des casseroles et enfin, son indifférent: “Ca va, toi” quand il a
fini l’inspection. J’ai pardonné qu’il n’ait rien à me dire, qu’il n’ait pas
souvent envie de moi, qu’il soit seulement animé et disert quand nous recevons
des amis. J’ai pardonné qu’il parte en week-end “pour affaires”...
Et
maintenant, j’attends. J’attends à mon tour en silence ce qu’il va me dire, ce
qu’il va faire, face à cette importante décision de notre vie: nous quitter...
LORRAINE