LE SLOW DU PARAPLUIE
(Un jour de l'été passé, nous avons eu la consigne
d'écrire le jeu des parapluies sur une digue pluvieuse. J'ai fait de
mon mieux...)
X
Ils sortent, tous . Des rouges, des jaunes, des bigarrés,
d’humbles gris, des bleus insolents qui se prennent pour un ciel d’été,
des rayés dessinant des rails, des pliants, des minuscules et quelques
grands démodés mais confortables.
Le vent les prend à rebours, mais il sont malins et
résistent. Avant, ils se retournaient tout de go, aujourd’hui
leur armature souple les maintient dans un précaire équilibre.
Le jaune perché sur de hauts talons croise sans le voir le rouge
à souliers d’homme. Une collision ? Pas vraiment. Un contact. Un
incident. Ou peut-être, une rencontre ? Qui peut le savoir
? Sur la digue, on passe et repasse pendant les vacances.
Mais sans parapluie, comment se reconnaître ?
Pour éviter ce méfait, le rouge regarde le jaune dans les yeux,
avec un sourire. Le jaune s’emballe, pardon, le vent l’emballe,
le pousse, le tire et maltraite le jaune sur ses hauts talons
instables. Très courtois, le rouge intervient ;
- C’est un tom-pouce, votre parapluie. Le mien est plus grand, voulez-vous que je vous abrite ?
Tout rose d’émoi, le jaune dit oui. Le rouge lui prend
vivement le bras pour mieux l’abriter, et ils s’en vont, l’un soutenant
l’autre…regardant tous deux dans la même direction !
LORRAINE
Illustration: rue de Paris par temps de pluie - 1875 (Caillebotte) - Art Institute of Chicago.