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ECLATS DE PAROLES
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ECLATS DE PAROLES
19 septembre 2007

Où est sa maîtresse?

    Il était attaché à l'entrée. Mal, puisqu'au bruit de ma charrette, il se délia et s'en fut. Il me précéda dans le grand magasin, d'abord hésitant, et comme tout chien qui se respecte, le nez en avant à la recherche de sa maîtresse. Déjà les inquiéudes m'assaillaient, en cohorte:

 

    - Où va-t-il? Connaît-il les lieux? Où est sa maîtresse? Est-ce que je vais laisser là ma charrette et tenter de  l'attraper?

 

    Gracieux, le bichon s'arrêta. Un monsieur qui le croisait m'interpella courtoisement:

 

    - Il est à vous, Madame?

 

    - Non, il vient de se détacher...

 

    - Il faut le rattacher, alors, il risque de s'enfuir, de se perdre.chien_blanc

 

    Nous en étions là, je me disais "Le monsieur va prendre la laisse et le reconduire, lui n'a pas de chariot, moi je suis dans le chemin..." quand une vendeuse accorte et solide sortit de derrière la caisse et décida pour nous. Elle attrapa le fugitif à bras-le-corps, lui caressa la tête et le ramena, penaud, à l'entrée du magasin où il fut soigneusement réajusté à la barrière ad hoc. Le monsieur et moi reprîmes notre route en sens opposé. Quand je ressortis, le toutou avait disparu.

 

     bouquet_vari_Je vous raconte cette anecdote parce que le ronronnement du grand magasin m'a semblé autre.  Uniquement parce qu'un tout petit fait divers sans importance se produisait à l'entrée: un chien risquait l'aventure, une femme risquait le chagrin, tous deux risquaient la séparation qui les marquerait de son fer chaud. Je me disais: "Nous sommes tous différents, nous avons tous l'air anodin de personnes sans histoire.  Et pourtant, nous côtoyons peut-être l'anxiété de ce client jeune et en quête d'emploi, la souffrance de cette vieille dame courbée sur son cabas, le désespoir de cette jolie fille en noir qu'on vient de quitter sans explication, la maladie de l'habitué qui marche lentement, de plus en plus lentement chaque jour...".

 

    Un gentil chien se croit abandonné et trois personnes réagissent. Mais que savons-nous de tous les tourments des inconnus? Rien. Peut-être serai-je plus attentive la prochaine fois à la marche hésitante du vieux monsieur seul ou à la gravité profonde de cette femme mûre aux traits tirés. Certes, je ne pourrai rien: sauf un sourire, un regard amical, ce qui, quelquefois, redonne courage et aide à vivre...

 

INCARNAT


   
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Commentaires
L
C'est l'époque qui veut ça, hélas, Lecouret. Et les lois! Tant de Sans Abris retournent chez eux manu military, et même s'ils sont ici depuis des années, sont embarqués quand même. Les souffrances sont nombreuses en cette époque de folie!
L
superbe, Incarnat Lorraine, ce texte...<br /> dès demain je vais faire de l'accueil au Secours Populaire... de plus en plus d'indifférence, pour des différences insoutenables,<br /> et de plus en plus de chien-chiens, souvent bien nourris et choyés,<br /> et qui font caca,<br /> et qui aboient,<br /> à qui on parle,<br /> et donne à manger.<br /> transfert... enfer.
L
Oui, Réjane, un peu d'émotion qui ébrèche la carapace d'indifférence dans laquelle trop souvent nous nous confinons. Merci pour ta lecture.
R
Un moment d'émotion qui fait prendre conscience que nous sommes des être humains :)
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