PETIT JOUR
Petit jour falot qui cogne à la vitre, tu m’éveilles et ton infinie solitude me rappelle les lents désespoirs que tu faisais naître en mon âme d’enfant. Je te voyais sortir de la nuit, grelottant, malade, embrumant le carreau. La chambre m’ouvrait soudain des recoins étranges, le silence répercutait le frôlement de ma main sur le drap et le pas du chat noir en quête d’aventure.
Le premier tramway me meurtrissait de sa plainte étirée à travers l’avenue. J’ai pleuré quelquefois. Il est de ces matins où l’amour d’un enfant a besoin de tristesse. J’ai su les chants tardifs des fêtards un peu gris, le cri lourd des matous en leur saison propice. J’ai levé mon rideau sur la rue où un passant solitaire pressait déjà le pas.
Tu es l’heure des nostalgies, petit jour falot qui cogne à la vitre, que tu sois froid et pluvieux ou printanier comme le chant des oiseaux qui t’accompagne. Je t’aime et tu me rends triste, car tu es tout un monde que je pressens sans m’y plonger et qui me laisse jusqu’au soir l’âme insatisfaite.
LORRAINE
Illustration: www.routard.com