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ECLATS DE PAROLES
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ECLATS DE PAROLES
9 mars 2008

IL N'EN A PARLE A PERSONNE...

    J'ai dit plus d'une fois que l'Atelier d'Ecriture ouvre l'imagination qui vagabonde selon un mystérieux déclic et s'en va où elle veut. Il suffit de comparer les textes de deux participantes pour constater, souvent avec étonnement, où le même point de départ conduit à l'arrivée.

 

    Pour preuve, voici un texte d'Amanda et le mien, chacune respectant scrupuleusement les mots de la contrainte qui devait commencer par cette phrase "Il n'en a parlé à personne...".L'illustration représentait un homme jeune dont l'expression pouvait s'interpréter de n'importe quelle façon. Voyez où l'inspiration nous a menées, l'une et l'autre...

 

X

      
THANKS GOOD, WE'RE BRITISH!


Il n'en a parlé à personne..

Car, Théodore est un parfait majordome, un «  butler «  à l’anglaise.

Théodore est très honoré de travailler chez le Duc et la Duchesse de Cornouailles. Impeccable dans son habit en queue de pie, le col blanc amidonné, le papillon noir coquettement noué, Théodore sert le thé, les doigts gantés de blanc.majordome

Chaque matin, Théodore repasse au fer tiède l’immuable «  Times » sans le moindre faux pli. Il dépose ensuite le vénérable journal sur un plateau d’argent, lequel trouve place à 5 cm exactement de l’assiette de toasts enveloppés dans une serviette chaude, à 5 cm exactement des œufs au bacon que le Duc affectionne.

La Duchesse, quant à elle, se contente d’un jus d’orange fraîchement pressé, servi au lit par un Théodore impassible, selon le code de déontologie de la décence, enseigné à l’école de butlers d’Hampton Court. Impassible, même si la Duchesse arbore souvent des tenues fort légères. En particulier en l’absence de Monsieur le Duc plus féru de courses de chevaux à Ascot.

C’est que Monsieur le Duc prend de l’âge : la chasse et son club à Londres, réservé aux nobles mâles  sirotant un whisky pur malt en fumant un «  Havane » lui prennent tout son temps.

Aussi Madame la Duchesse se sent-elle quelquefois fort seule. L’aquarelle et les promenades avec ses chiens ne suffisent pas à tempérer une quarantaine malicieuse.

C’est ainsi que fatalement, la chose se produisit. Un soir, au coin de l’âtre, un autre feu la souleva, allumé lui aussi par son butler , une ardeur inattendue l’emporta au 7e ciel qu’elle n’avait plus visité depuis fort longtemps !

Théo !

Théo a jeté son papillon aux orties et libéré une libido trop longtemps contenue dans sa queue de pie .

A 5 cm près…

La Duchesse , lassée de fermer les yeux et de penser à l’Angleterre, comme le lui avait enseigné sa mère, répondit de bon cœur à tant d’ardeur.

A 5 cm près…

Il n’en a parlé à personne, Théodore. La Duchesse non plus.

AMANDA         

° ° ° ° ° °

IL N’EN A PARLE A PERSONNE...   


 

    Il n’en a parlé à personne, il est seulement retourné dans le jardin d’été, là où elle a disparu peu à peu, comme un dessin qu’on efface.

    Il n’est pas fou, il le sait. Certains l’ont cru, déjà ses parents se regardaient avec inquiétude quand il parlait tout seul. D’accord, il ne disait pas les paroles des autres enfants, il ne demandait pas « Tu joues avec moi ? » , il ne clamait pas :  « Je suis Zorro » ». Non, il semblait faire un retour un peu halluciné dans le bon vieux monde, il continuait simplement son histoire intérieure et répondait avec douceur :

    « Sa main est fine et tient ma main. Elle a une robe d’argent. Maman, pourquoi tu ne lui parles pas ? »

    On l’ a mené chez le docteur. On l’a fait marcher, lever les bras en l’air, se tenir sur un pied ; il a pris des fortifiants, des vitamines, beaucoup de lait. II a été à l’école, puis feeverte_1dans une autre, puis dans une troisième, puis rien. Il est resté à la maison, il a suivi une thérapie, le psy était sympa, il écoutait ses histoires. Il lui a même suggéré de les écrire. Et il l’a fait. Jusqu’au jour où elle est venue familièrement s’asseoir dans le fauteuil, près de lui. Elle a murmuré : « C’est notre histoire, c’est bien, écris encore ».

    Il n’en a parlé à personne.  Mais il a écrit, beaucoup; beaucoup de feuillets sont remplis de son écriture. Il se relit, il est content. Elle aussi. L’autre jour, ils sont allés ensemble dans le jardin, derrière la cabane, sur le banc de bois. Elle l’a pris dans ses bras, elle a posé ses lèvres sur les siennes, il voyait l’ombre de leur couple sur le mur, elle a chuchoté : « Je pars, ne pleure pas » et elle a disparu peu à peu comme un dessin qu’on efface.

    Il n’en a parlé à personne. Mais maintenant, il va la rejoindre.

LORRAINE

Illustration: voir page www.poly-3d.com

 

   

 

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Commentaires
L
Oui, Pivoine, je trouve enrichissant de publier deux textes sur la même consigne. Je tente de montrer combien, partant d'une seule phrase ou d'une photo, nous arrivons toutes à un résultat totalement différent.<br /> <br /> Il y a quelques années, j'ai ouvert ce blog aux autres membres de l'Atelier d'Ecriture. Mais seule Amanda a eu la persévérance voulue. Et (dans un tout autre domaine) à la même époque nous avons improvisé un roman à plusieurs mains; nous étions cinq ou six personnages qui intervenaient quand bon leur semblait, et c'était d'un drôle!..Amanda et moi regrettons ce temps. Mais pris par le tourbillon des jours, les autres n'ont pas continué. Je le regrette tout en les comprenant. Ce fut une très belle période. Nos prénoms commençaoient tous par un A; comme Amanda, ma fille était Angélique, moi Anabelle et ainsi de suite.<br /> <br /> merci, Pivoine, pour ta visite.<br /> Bises
L
Bonjour, Amanda, je vais vite remettre le "K"!...J'ai toujours aimé entendre la lecture des versions diverses qu'à l'Atelier d'Ecriture nous écrivons. Cela m'épate de voir où notre inconscient nous mène. Car pour écrire en un temps déterminé il faut absolument que l'inconscient nous aide, sinon comment ferions-nous?...Nous portons des richesses en nous sans le savoir...Et ta richesse, ici, est vraiment désopilante! <br /> <br /> Et bien entendu, il n'est pas question de comparer par vanité, pour pavaner, mais au contraire pour souligner les forces de l'une et l'autre, et suivre un moment le chemin qu'elles empruntent.<br /> <br /> Bises,<br /> Lorraine
L
merci, Lecouret, ta remarque est juste: deux voyages si différents...et si semblables! Mais chacune a extrait d'elle-même son propre chemin...
P
Je trouve ça sympa de mettre les textes de l'un ou de l'autre dans le même blog. Un blog écrit à plusieurs mains, cela doit être une chouette expérience !
A
Merci Lorraine d'avoir mis mpon texte.<br /> J'ai déjà écrit sur un autre blog tout le bien que je pense du tien.<br /> Petite rectification dans le titre du mien " Thanks God....etc l Le " K" est resté dans la souris, pas grave.<br /> C'est vrai que c'est intéressant de comparer, sans pour cela se sentir diminuée, écrire autrement comme on peint autrement un même paysage, comme on joue Chopin de manière différente.<br /> Merci à toi !<br /> Bises<br /> Amanda
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