AUTOUR DE LA MORT
L’approche du 1er novembre nous met devant les questions aiguës que l’on voudrait ne pas se poser. C’est bien vrai que chaque année des processions de gens tristes vont au cimetière, se recueillent sur une tombe, prient ou se souviennent, fleurissent un défunt depuis longtemps absent, comme s’ils disaient : « Je suis là, je n’ai rien oublié, repose en paix ».
ET LES AUTRES ?
Et c’est bien vrai que d’autres restent chez eux. Ils n’ont aucune tombe à fleurir. Non qu’ils soient épargnés. Mais au moment suprême l’incinération a été choisie. Il ne reste que des cendres…On ne fleurit pas des cendres.
Mais on se souvient, tout aussi profondément, tout aussi tristement. Simplement le choix du défunt a été respecté. Ou, plus simplement encore, ce choix a été décidé par la famille. Qui en a discuté ? Qui a pris la décision ? De multiples raisons la déterminent. Et notamment, dans une population où l’on vit de plus en plus vieux, l’impossibilité physique d’entretenir une tombe quand l’un des deux meurt et que l’autre survit. A la détresse, à la solitude, va-t-on ajouter le remords de négliger une tombe par manque de force ou invalidité ? Va-t-on ajouter la lancinante sensation de négligence quand l’âge ou la maladie empêche celui qui reste d’aller devant cette pierre tombale qui incarne, désormais, tout ce qui reste du passé ?
Le geste définitif de l’incinération gomme la culpabilité de négligence. Ceux qui restent se souviennent d’une vie, d’un rire, d’un visage ; et non d’un cercueil.
Ces questions aiguës que l’on voudrait ne pas se poser…On se les pose inévitablement en ces temps d’octobre qui annoncent la fête des Morts. Devant l’irrémédiable, nous sommes tous égaux. Et nous acceptons la dernière sépulture, quelle qu’elle soit, parce qu’il n’y a rien à faire, parce que nous sommes mortels.
Chaque sensibilité diffère ; et chacune, en ces derniers instants, mérite d’être respectée.
LORRAINE