LE CHANTEUR
Entonnoir gigantesque au dôme étincelant
Vertige des gradins superposés en rond
Le cirque. C’est là qu’il chantera ce soir.
Il a froid. La route a été longue.
Il emporte dans sa mémoire
Le dernier regard d’une femme. Sa femme.
Lassitude, tendresse qui s’effrange, adieu ?
Ne pas y penser. Surtout, ne pas y penser !
La plainte de l’accordéon le projette sur scène.
On l’attendait, on hurle, on l’acclame.
Il a l’habitude. Pour ce public avide
Qui l’aime et l’emprisonne
Ce soir il sera tendre et drôle
Comme tous les soirs depuis vingt ans.
Après le refrain grave écrasé de silence
Le spectateur attend le rythme
Haletant et facile
Repris en choeur et emporté
Par la claque des mains qui vibrent.
Il enchaîne, il plaisante. Le charme agit.
Il chante. Ce soir, il téléphonera.
Tantôt… Bientôt. Il salue, salue encore,
On le rappelle. On le rappelle toujours,
Il n’a plus rien à craindre.
Sauf le regard d’une femme qui lui échappe
Et dont les mains lisses scellent son destin.
LORRAINE