MARQUISE
Je crois qu’elle danse, la nuit, la figurine rouge au-dessus du piano. Pinçant entre deux doigts bagués son ample crinoline à dentelles, je l’ai retrouvée quelquefois si rose, si brillante, qu’un soupçon me saisissait ; j’avais envie de demander :
- Quoi donc vous a émue, marquise ? Pourquoi ces yeux plus clairs, ce volant retroussé, ces manches entrouvertes ? Friponne, quel menuet à perdre haleine avez-vous esquissé dans votre cadre ? Et avec qui ?...
Mais rien. On se taisait. On jouait à l’offensée ! Pudeur ? Sévérité ? Que sais-je ! J’ai respecté le secret de l’image.
Mais quand, avec le soleil, je lève les yeux vers elle et je la surprends, un peu de guingois, la cheville découverte, une boucle déroulée sur l’épaule comme une femme heureuse, je lui sais gré d’être si sereinement immobile pendant le jour. Elle qui, lorsque descend l’obscurité, retrouve tout le faste d’une époque pleine de perruques, de jabots et d'amour.
LORRAINE
Illustration: La marquise de Pompadour, peinte par Boucher