LE HASARD N'EXISTE PAS...
"Nous avons choisi "au hasard" une grande photo d'où nous devions partir pour écrire le thème. J'ai tiré une vaste armoire ancienne aux tiroirs ouverts bourrés d'objets hétéroclites et surmontée d'un fouillis de vêtements, livres, boîtes, papiers, etc. Voici ma version".
LE HASARD N’EXISTE PAS
On m’avait dit : « Ces tiroirs sont pour toi. Tu y trouveras ton bonheur : des éventails, des dentelles fleurant le lilas, des masques portés autrefois par des marquises amoureuses du roi, un manuscrit antique ramené de la mer Caspienne, des opales dans un recoin, cherche bien et des gourmandises venues d’ailleurs, de très loin, du bout des siècles.
Ouvre les tiroirs, saisis à pleines mains les pochettes brodées,le parfum de santal sur ce foulard Egyptien. Laisse-toi aller, sois curieuse, sois avide, laisse tomber ta sage maturité. Dans ces tiroirs, un monde t’appartient. Ouvre donc… »
J’en ouvre un au hasard. Mais il n’y a pas de hasard…Il est vide. Vide comme mon cerveau. Vide comme la nuit. Vide comme si quelqu’un avait pris un malin plaisir à me piéger. Le vide ! Une sensation de dérision amère, de moquerie inique, l’impression soudain de n’être rien, bafouée par les promesses perfides, paralysée. L’abondance qui écrase l’armoire, ces abat-jours, ces boîtes à chapeaux, ce mannequin d’une autre époque semblent ricaner devant mon désarroi. Ils ont l’air de murmurer :
« Ouvre un autre tiroir. Tente ta chance »…
Mais non. Si j’ouvre le tiroir de gauche, il aura le même abîme de solitude que le tiroir de droite. J’ai peur de toutes ces étiquettes annonçant des contenus mordorés : « Nougats de Bretagne », « Nuits d’ivresse », « Beauté du diable », « Jeunesse éternelle »…
Rien. Il n’y a rien pour moi. D’autres sont passées. Des mains heureuses ont tout emporté.
Il me reste la résignation. Ou le désespoir.
LORRAINE
Illustration: Boites à chapeaux stetson - chapellerie-traclet.com