A MOI LE MAT DE COCAGNE!
(La consigne disait tout bonnement de raconter une histoire intégrant le mât de Cocagne. La voici)
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Je regarde le ciel, les feuilles, l’ambiance de cette fête populaire d’août, qui mêle le miel de ses parfums aux chausse-trappe de ses jeux.Un pied sur l’échelle de corde, légèrement balancée par ma crainte, je résiste aux huées villageoises et encourageantes.
- Allez, Rosette, grimpe ! Fillette, qu’est-ce que tu attends. Le mât de cocagne est en haut, pas en bas !
Ils ont accroché cette maudite échelle près du bassin aux poissons rouges, pour inciter les dames à participer plus aisément qu’à la force du poignet, comme sur un vrai mât. Etourdiment, je me suis inscrite poussée par Mathurin toujours un peu sournois.
-T’as peur, hein, Rose ? C’est pour ça que tu ne veux pas concourir...
Peur, moi ? Je n’ai jamais peur, une petite appréhension, c’est tout. Et je n’ai pas beaucoup d’équilibre. C’est la seule raison qui m’a fait hésiter. Le balancement de l’échelle de corde me donne un peu de vertige.
Et si je tombais dans les poissons rouges ? On se moquerait de moi, c’est sûr !
- Alors, Rosette, tu montes ?
C’est Frédéric qui me houspille, l’homme qui ne craint rien ni personne. L’homme des crocodiles, il les fait visiter d’une kermesse à l’autre. Ses crocodiles qu’il ne quitte jamais, pour éviter qu’ils se hissent sur la pelouse et attrapent une jambe qui passe. Mais où est son crocodile Rupert, le plus vieux et le plus vicieux ? Il allait l’exposer, disait-il hier. L’exposer ?..
Une sueur froide m’inonde soudain. Cramponnée à mon échelle de corde, je jette un regard peureux dans la fontaine aux poissons rouges. Et je hurle.
Il me guette, aplati, féroce, l’œil pervers. Sans bouger.
Je ne sais pas comment j’ai fait. Mais j’ai gagné sous les hurrah de la foule le Prix d’Excellence du Mât de Cocagne !
LORRAINE