CLAIR DE LUNE
Par le carreau, le clair de lune est entré et effleure la table de chêne, la coupe qu rayonne comme un ostensoir d’or, la pesante orange et le raisin duveteux. Il contourne le miroir car il a peur de son reflet, mais s’attarde au tableau où une jeune femme pâle sous l’énorme chapeau empanaché semble lire une missive.
Il titube un instant sous le parfum des roses, s’accroche aux coussins épars et nez à nez avec le petit léopard rouge qui lui fait la nique du haut de sa console, il s’en retourne à reculons vers les gazons qu’il aime pour y rêver.
Dehors, il a des grandeurs dantesques, donne aux nuages tumultueux des crêtes incendiaires et inonde d’or pâle les arbres et les fleurs. Un chat noir en promenade devient jaune et s’effraie, il pousse vers le ciel un miaulement long et fuit.
Je suis entrée dans ma chambre ; mais l’indiscret clair de lune y était. Etendu sur mon lit, il attendait dans toute sa clarté. Alors, j’ai tiré les rideaux et il s’en est allé sans bruit frapper à d’autres fenêtres et réveiller les belles.
LORRAINE