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ECLATS DE PAROLES
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ECLATS DE PAROLES
23 mars 2009

JE SUIS LAIDE

        Je n’aurais jamais dû jeter mon miroir à travers la chambre, dans un geste de rage. Il s’est éclaté de rire, de ricanement, il se moquait en mille et un morceaux de mes imageslunettes et de mon nez, il disait : « Oui, tu es moche, oui, tu es seule, non, personne ne te regarde, même pas moi »... Et il le disait mille et une fois, partout sur le parquet et plus je pleurais, plus je ramassais les débris, plus j’étais laide.

    J’ai voulu réagir, j’ai serré les poings et dans ma paume une estafilade s’est ourlée de sang, un sang généreux qui coulait sur le sol. Vite, j’ai entortillé ma main dans un mouchoir, puis dans un autre ils s’imprégnaient, j’en changeais, ils s’imprégnaient encore. Ca m’a finalement inquiétée, d’autant plus que j’avais dû m’asseoir, je voyais trouble, j’avais peur de tomber et de perdre tout mon sang en un ruisseau qui coulerait jusque dessous la porte et finirait par alerter les voisins. On me trouverait couchée par terre, exsangue, morte et laide.

    L’hôpital n’est pas loin, l’arrêt du tram devant ma porteseduction et j’ai toujours une carte dans ma poche. J’ai trois mouchoirs maladroits autour d’une main, de l’autre je me tiens à la barre centrale sur la plate-forme...

    Je ne sais pas comment je suis entrée aux urgences. En fait, je ne sais plus rien. Sauf que je me suis réveillée couchée sur une civière, dans un couloir blanc, une infirmière pansait ma main qui brûlait, une odeur de désinfectant me picotait les narines et penché sur moi, un interne en blouse blanche me sermonnait gentiment :

    - Et alors, jeune fille, on a raté son coup ? On a voulu s’ouvrir la veine, la lame a dérapé, c’est ça ?

    Mais non, idiot, qu’est-ce qu’il raconte ? Me suicider, moi, il est fou ?

    - Allons, vous en êtes quitte pour la peur. La coupure n’est pas grave. Vous restez ici aujourd’hui, ce soir on verra.

    J’essaie de parler, je n’y arrive pas. Il me tapote l’autre main :

    - Je viendrai vous voir tantôt. Vous avez fait une belle syncope. Allons, ne pleurez plus, vous allez abîmer vos beaux yeux.

    Mes beaux yeux ? Qu’est-ce qu’il vient de dire ? Mais je suis laide, il est aveugle ou quoi ? Il n’a pas vu mon nez, mes lunettes...

    Il me sourit.

    - Vous êtes bien pâlotte, mais vous avez un type. J’aime bien ce profil un peu indien, ça vous donne du caractère. Allons, à tantôt...

    A tantôt...Et sagement étendue dans mon lit, je réponds à l’infirmière qui demande si je n’ai besoin de rien :

    - Si, un miroir...

LORRAINE

 

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Commentaires
L
Beau raccourci qui résume bien l'histoire. Merci!
F
un miroir brisé mais un coeur réparé!!!
L
Ptitecoquinète, surtout quand une faiblesse morale empêche de faire un retour sur soi-même et de réagit. Tout le monde n'hérite pass d'un caractère fort, ni d'un physique agréable. Et ceux qui ont la chance de s'exprimer par l'écriture sont des bienheureux!<br /> Bonne journée à toi.
L
quelquefois d'un mot pour rendre confiance, comme tu dis, Lecouret!
P
oui la faiblesse n'est qu'humaine car les animaux n'en ont pas. Mais il est des moments dans la vie où.. c'est très dur ou trop.. peu-être. J'ai connu une amie qui a risqué sa vie pour : un homme, des parents décédés, etc...cet infirmier a été probablement un sauveur.Lecouret on ne se trouve pas tous les manques , nous les vivons mais il faut faire avec ou disparaître o u écrire encore et encore jusqu'à plus autant d'importance.
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