LE ROI DES ANGES EST VENU ME VOIR...
Le roi des anges est venu me voir. Je l’espérais depuis longtemps. Ses visites me décorporent, m’emportent en un monde discret que je touche du doigt juste en fermant les yeux.
Il ne s’appelle ni Michel, ni Gabriel, ni Lucifer. Même s’il est combatif, même s’il lutte pour la lumière, quand il m’apparaît sa silhouette fluide irradie de douceur et d’un étrange sentiment de bonheur. Il fait surgir l’oiseau bleu, le bouquet de roses, le papillon et le nénuphar, je suis transportée ailleurs, là où la vie se sépare de l’autre vie par une cloison imperceptible. Je ne la franchis pas, je reste sur le seuil, mais je regarde et je ressens.
M’offre-t-il la clef des songes, celle du paradis ou ma clef intérieure ? Je ne sais. Il me veut du bien et non la souffrance. Il me donne, le temps de son apparition, toutes les permissions féeriques : un coin d’herbe haute environne soudain ma chambre, les murs se parent de tapis orientaux, des danseurs slaves jouent de la balalaïka et les contours des meubles disparaissent dans une fumée intangible et transparente.
Le roi des anges peut tout. Il me dessine un bal du passé et les dames face aux seigneurs dansent le menuet. Quand le Roi des anges disparaît, tout a repris sa place. Je ne suis plus qu’une femme quotidienne qui a cessé son dialogue avec l’au-delà.
Les murs abattus se reconstruisent, la vie est de nouveau un château-fort aux nombreuses oubliettes et, attendant la prochaine visite du Roi des Anges, je gravis les 327 marches qui conduisent au sommet. Avec courage et résignation.
LORRAINE