ROMANCE
Il suffit parfois d’une romance fredonnée en sourdine dans la maison voisine pour réveiller toute une enfance.
Tapisserie chinoise aux obscures pagodes, que vous aviez de charme ! J’aimais les bonds fantastiques de vos dragons d’or, lorsqu’à la tombée du soir je me blottissais sur le divan à la lueur vacillante des bougies roses accrochées au piano. On fredonnait dans la chambre voisine. Je me laissais prendre aux accents surannés de la complainte sans essayer de reconnaître celle qui la musait. Maman ? Ma sœur aînée ? Qu’importe ! Leurs voix tellement semblables berçaient tour à tour mon rêve de petite fille. Un rire interrompait soudain la ritournelle, on parlait avec vivacité, quelqu’un poussait la porte, un large rai de lumière envahissait le studio :
- Eh bien, mon petit, que fait-on dans cette obscurité ? Viens te coucher, il est l’heure…
Et je m’endormais bientôt, étudiant la petite ombre noire du plafond qui peu à peu prenait des allures de bonhomme nerveux, s’agitait, dansottait sur place, agitait les bras, se penchait périlleusement vers moi, me confiait des histoire drôles et finalement m’escortait en rêve jusqu’au lendemain matin.
LORRAINE