PARTAGER EN DEUX...
(Un entrefilet dans le journal signalait que, lors d’un divorce, il avait été convenu de « partager en deux ». Prenant l’avis au pied de la lettre, le mari s’était emparé d’une scie et sectionnait tous les meubles. La consigne de l’Atelier d’Ecriture demandait de raconter la scène à notre façon. La voici)
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- Partager nos biens ?
Il n’a rien répondu. Ce n’est pas son genre, d’habitude il réagit violemment à ma moindre question. Mais là, rien. Simplement il est sorti. Il allait où, là ? Il disparaissait dans le hangar et je me suis dit « Il va passer ses nerfs à couper du bois. Bon débarras ! »
Ah ! ouiche ! Le temps de me retourner pour tisonner le poêle, il était dans mon dos. Ricanant. Plus grand que jamais. J’ai dit : « Mais, Joseph… ».
C’est alors qu’il a empoigné d’une main l l’ordinateur ; Dans l’autre, il avait la tronçonneuse. Oui, Monsieur l’Agent, comme s’il allait me couper en deux ! J’ai reculé, il a juré. Et tout à coup, comme un forcené, il l’a actionnée, la tronçonneuse, et j’ai vu Google qui sanglotait, mes mots saignaient hors du clavier, la lettre de ma sœur pleine de larmes…Et je pleurais, je pleurais sans oser bouger, j’avais peur de lui, M. l’Agent et je me suis rapprochée de la porte pour m’enfuir.
- Partager en deux, hein ? Voilà…
Je sais qu’il est fort. Mais pour couper la table comme il l’a fait, l devait être possédé. Un rictus creusait sa bouche, ses sourcils hérissés s’emplissaient de sueur mais ses solides mains de bûcheron allaient, venaient, allaient, venaient…
Je me suis assise sur le divan, je n’en pouvais plus, j’avais de plus en plus peur. Il avait fini. Il semblait satisfait. Puis il m’a regardée :
- Sors de là, Poupette.
Je n’ai pas osé faire autrement. Il s’est attaqué au divan. Ce divan où nous nous aimions quelquefois, quand il était amoureux. Ah ! vous comprenez, M. l’Agent, ça vous est arrivé aussi ? Oui, c’est triste. On ne peut rien recoller, et mon mari votre collègue l’a emmené sans qu’il oppose de résistance. Heureusement, il n’est pas monté dans la chambre.
Vous voulez vérifier ? On ne sait jamais ! Comme vous me comprenez, M. l’Agent. Oui, oui, je vous suis…
LORRAINE