UN BAL CHEZ LE PERE NOEL
Il a beaucoup de chance, Milord, il a rencontré une Bergère ! Moi, j’aimerais bien rencontrer un Berger...mais je ne suis pas une dame-chat, alors l’espoir est mince...
- Aimeriez-vous assister à un concert ? lance tout à trac le Père Noël.
- Mais...je devais rentrer à minuit, c’est vous-même qui...
- Je peux aussi retarder les horloges. Regardez le clocher, il est à peine 20 Heures !
Le Père Noël vient de mentir avec assurance et ingénuité. Je vois rétrograder les aiguilles en même temp qu’un petit air de flûte gambade dans l’allée ;deux chats cintrés dans un habit bleu-barbeau accordent leur violon, une demoiselle-chat esquisse une pirouette, des silhouettes se dessinent un peu partout.
-Mozart, me souffle le Père Noël. « La Petite Musique de Nuit ».Ecoutez...et regardez.
Le Pays du Père Noël s’est illuminé. Les chats-musiciens essaient leur archet, une gamme vertigineuse danse sur le piano, l’orchestre tout entier a surgi de l’ombre et, sous la baguette de Milord (depuis quand est-il chef d’orchestre, celui-là !) le rondo Allegro m’éblouit de sa mélodie. Je n’en crois pas mes yeux : des nymphes se poursuivent de buisson en buisson, un satyre tente en vain de les attraper, une fée d’argent effleure de sa baguette la ronde des artistes, leurs jeux de jambes, leurs frimousses félines. Un mousquetaire, ôte son chapeau empanaché, et me salue jusqu’au sol.
- Vous ne pouvez pas refuser, chuchotte le Père Noël, il vous invite pour un menuet.
Et de fait ; tout le monde s’est rangé, la musique scande le pas de danse et je suis mon cavalier avec une aisance déconcertante : je n’ai jamais dansé un menuet de ma vie, mais ici... Je virevolte, je tourne, je salue, je suis retournée dans un autre siècle et Milord, le monocle à l’œil, discute avec le Père Noël.
Je crois que je me suis endormie vers l’aube. En tous cas, le Père Noël m’a déposée sur le toit, tout près de ma fenêtre entrouverte. J’étais enveloppée dans une houppelande rouge et j’avais sur la tête un bonnet de Mère Noêl !
- Ne vous fatiguez pas, murmure-t-il doucement, allez dormir, il est l’heure pour les enfant sages....
Décidément, il ne changera pas ! Pour lui, je suis une enfant attardée ! Je murmure dans un baillement :
- Bonsoir, Père Noël. A demain ?
- A demain. Ce sera le dernier jour, dit-il.
Et je me sens à la fois émue et triste.
LORRAINE